La dynamique conquérante des populismes, particulièrement en Europe, est le symptôme d’un problème démocratique. Elle reflète ce phénomène considérable de l’antipolitique qui est à la fois le rejet de toute politique et l’aspiration à une autre forme de régime.
Après l’ère de la démocratie des partis et des parlements au sortir de la guerre, puis au tournant du siècle, la démocratie du public, marquée par le déclin des cultures politiques traditionnelles, le recul des grands partis et la personnalisation du pouvoir, sa présidentialisation et sa médiatisation, nous entrons dans une nouvelle ère, qu’IIvo Diamanti et Marc Lazar appellent la « peuplecratie ».
La peuplecratie résulte d’un double processus. D’une part, l’ascension des mouvements et partis populistes ; de l’autre, par effet de contamination, la modification des fondements de nos démocraties. Les populistes sacralisent le peuple souverain dans le même temps où ils s’attaquent aux représentants politiques et se livrent à une critique radicale des formes institutionnelles organisant cette même souveraineté populaire. Le peuple est systématiquement valorisé en tant qu’entité homogène, porteur de vérité et considéré comme fondamentalement bon, par opposition aux élites supposées sans racines nationales. Cet antagonisme, à l’heure de la prise immédiate de parole numérique, donne une nouvelle vigueur et une tout autre dimension à la vieille idée de l’expression directe, voire référendaire, de l’opinion vraie des ‘vraies gens’. Ainsi est altérée la signification de la démocratie en tendant à récuser la représentation et les contre-pouvoirs ; ainsi est favorisée la montée en puissance des figures, pour le moins autoritaires, de l’incarnation.
Cet ouvrage, qui a eu en Italie un formidable écho, réfléchit à partir de la France et de l’Italie à l’émergence sous nos yeux de la peuplecratie.
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