En avril 1332, un objet qui se déplaçait à une vitesse prodigieuse entra dans le Système solaire, suivit une trajectoire hyperbolique autour du soleil puis repartit, le tout en l’espace de quelques semaines. Visible à l’œil nu, il aurait ressemblé à n’importe quelle comète, présage d’on ne savait trop quoi, brillant pendant un temps dans le ciel nocturne. Mais il était trop sombre pour qu’on le repère sans grossissement, et les télescopes capables de montrer pareil objet ne seraient conçus que six cents ans plus tard. Personne, sur Terre, ne remarqua son passage. Le quinzième jour du même mois, dans la ville française de Bayonne, en Gascogne, Sibilla Ysarni, femme de tailleur, donna naissance à un enfant. La délivrance se produisit à l’aube, et les premiers cris du nouveau-né se mêlèrent au tintement des cloches de la cathédrale au loin. On disait de Dieu qu’il aimait le monde, mais en regardant la sage-femme essuyer le sang sur le visage de sa fille, Sibilla fut prise de l’idée hérétique que l’amour pouvait uniquement habiter la chair, qu’il était cloué sur une croix de temps et de mort. Sibilla Ysarni mit deux autres enfants au monde avant qu’une fièvre quelconque l’emporte par une douce soirée d’été de l’an 1348. Parmi ses descendants, on compterait une certaine Esmi Sur-Kalleen, née en 2210 dans une conurbation dense sur la côte orientale de l’île de Baffin…
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