"Satirique par certaines extravagances, ce livre est une savoureuse évocation de l'abdication devant l'existence, sur fond de siècle finissant. Pour Jean Dézert, le personnage central de ce roman de la non-vie, point d'oasis ni de salut. Agé de 27 ans, il est employé au ministère de l'Encouragement au bien (direction du matériel). Sans passé ni futur, il vit le présent avec l'enthousiasme d'un supplicié. Il loge seul à Paris dans un appartement au plafond si bas que "des personnes à l'imagination facile se croiraient, chez lui, dans l'entrepont d'un voilier." Le jour, il remplit des imprimés, le soir, lorsqu'il ne fume pas, il griffonne son agenda dans lequel il recense de ridicules faits de rue. Certaines personnes sont touchées par la grâce, lui c'est par le néant. "J'ai mal compris la vie, jusqu'ici", admet-il. Ses grands principes, il les puise dans l'abandon et la résignation : "Lorsqu'on ne peut apporter à un mal aucun remède, il est inutile d'en chercher". Pour se distraire de la solitude, le dimanche, le jeune homme s'autorise quelques sorties en compulsant les prospectus publicitaires : un bain chaud avec massage par des aveugles, un restaurant végétarien, une conférence sur l'hygiène sexuelle... Pas de malheur dans ces pages, juste l'impression d'être inutile, d'être à sa juste place, d'être invisible au monde. Rien ne fleurit sur cette terre étrangère, même lorsqu'une promesse de bonheur pointe le nez. Ainsi, comble de l'absurde, avant leur mariage, la jeune fille remarquera pour la première fois "sa figure si longue"... et c'est le désastre. Lointain cousin de Bartleby de Melville, ce Jean Dézert incarne à lui tout seul toute la tragédie humaine. Sa résistance devant le cours des événements s'apparente aux frêles gesticulations d'un pantin. Ce livre est une excellente invite pour se plonger dans les Oeuvres complètes de ce poète et conteur publiées aux éditions Champ Vallon." Philippe Savary (Le Matricule des anges, n° 23)
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