Je reste encore surprise d’avoir écrit un tel livre, où il est question d’une famille qu’adolescente je détestais avec cette passion qu’apporte en toute chose l’être humain au seuil de l’âge adulte.
Je jugeais la vie de ces oncles et tantes, de ces cousins et cousines, ennuyeuse et médiocre, leur esprit mesquin, leurs préjugés ridicules, leur piété, quand ils en avaient, hypocrite, leur modestie ignoble, leur sens du devoir démodé, leur culture inexistante, leur bonté nulle ou intéressée. Je n’éprouvais pas pour tous les membres de cette famille une antipathie aussi totale mais, avec le manque de nuance de la jeunesse, je les mettais tous dans le même panier.
Et puis, le temps a passé… Au fil des années, je les ai mieux écoutés. J’ai vu ce qu’il y avait de dignité dans la simplicité de leur vie, de désirs enfouis sous une apparente dureté, de peines sobrement endurées, d’amours bafouées ou méconnues, de courage face à l’adversité. J’ai eu honte de ma sottise passée. C’est peut-être pour cela que j’ai voulu les faire revivre enfants puis adolescents, à un moment où tout était possible, où les rêves pouvaient devenir réalité, avant que l’engrenage d’une société dure aux faibles et aux tendres ne les transforme et ne les écrase.
La vie dans une petite ville de province au début du siècle n’était pas facile pour une famille nombreuse. Grâce à leur amour, Léon et Blanche parvinrent à surmonter les épreuves et les difficultés. C’est l’histoire de cet amour, dont je suis sortie, que j’ai voulu tirer de l’oubli: celle d’une époque où le temps se déroulait lentement au fil des heures marquées par le carillon des clochers.
R.D.
PapaDustream